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Journal de voyage au Guatemala

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Message  tropifan Dim 13 Nov 2016 - 12:03

Encore un journal de voyage ! penseront certains. Ben oui, et je répète mon avertissement du précédent : il n'a qu'un intérêt géographique et touristique. Rien à voir avec les récits de ma vie en Équateur. Donc si vous n'aimez pas les voyages, ce n'est pas pour vous Smile


Ce récit que j'ai écrit grâce au carnet de voyage que j'ai conservé, c'est un épisode de mon seul long voyage : pendant 7 mois j'ai parcouru toute l'Amérique Latine depuis le Mexique jusqu'au sud du Chili et de l'Argentine, puis retour vers le Nord par l'Uruguay, le Paraguay, la Bolivie, et de nouveau le Pérou et l'Équateur où j'ai pris l'avion à Guayaquil pour rentrer en France.

Pour cela j'avais dû demander un congé sans solde d'un an, et comme je n'ai pas eu la chance de naître dans une famille riche, il m'avait fallu économiser le plus possible et travailler dur pour me payer ce luxe : le week-end et les jours fériés je bossais dans un restaurant comme serveur ; puis les deux mois qui ont précédé mon départ, je me suis fait embaucher chez Renault comme intérimaire et j'étais encore volontaire le dimanche pour nettoyer l'atelier afin de gagner le maximum d'argent. C'est une expérience que je ne regrette pas, car contrairement aux bobos qui n'ont jamais mis les pieds dans une usine, je peux en parler en connaissance de cause.

J'ai oublié sur quelle voiture je travaillais, et à vrai dire je m'en fichais complètement car je ne la voyais jamais terminée ; mon boulot consistait à mettre quatre pièces sur une machine à souder. Pas compliqué, même pour moi et mes compétences techniques très limitées, mais ennuyeux. Alors j'en profitais pour me réciter les conjugaisons espagnoles qui sont presque aussi difficiles que les nôtres. Je sortais en pleine forme de mes huit heures d'usine, nettement moins fatigué qu'après une journée de classe avec 25 gamins.




**********************

Journal de voyage au Guatemala 1_amyr10





Ce grand voyage a commencé avec un vol à Mérida, au Yucatan (sud-est du Mexique), visite d'une jolie île mexicaine de la mer des Caraïbes, Isla Mujeres, puis bus pour Chetumal et ensuite le Belize, petit pays principalement peuplé de Noirs parlant anglais car c'est une ancienne colonie anglaise qui était alors appelée « Honduras Britannique ». De Belize, ville principale qui a donné son nom au pays, nouveau bus à travers la forêt tropicale pour Flores, dans le Nord du Guatemala.

Journal de voyage au Guatemala 2_flor10 Flores

C'est une jolie petite ville dans une île du lac Peten Itza maintenant relée au continent par une route. J'y ai fait l'apprentissage du pagayage au cours d'une superbe mais très dure promenade de trois heures, avec une barque que j'avais louée. Pas un kayak, pas un canoë, une vulgaire barque qui m'a fait souffrir jusqu'à ce que je découvre la technique pour filer droit au lieu de faire des écarts à droite et à gauche, car ce n'est pas évident avec une seule rame pour un débutant. Et en prime un magnifique coup de soleil !




Je connaissais déjà un peu le Guatemala que j'avais visité au cours d'un précédent voyage et j'avais été charmé par ce pays. Mais je trouvais qu'il y avait un peu trop de touristes à mon goût. Aussi, à force de regarder la carte, j'ai eu envie de faire une balade réputée aventureuse sur une rivière de cette région tropicale, le Rio de la Pasión. Pour cela, je devais aller à Sayaxché à la recherche d'une embarcation remontant cette rivière.

J'en ai parlé au patron de l'hôtel qui me l'a formellement déconseillé car dangereux et pas aménagé pour le tourisme (mais c'était justement le fait de ne plus voir de touristes qui m'attirait), puis à plusieurs autres personnes qui étaient du même avis. Les moins décourageants me disaient que je trouverais peut-être un bateau mais que je risquais de rester coincé dans un endroit perdu pendant un temps indéterminé. Alors j'hésitais.


Dernière édition par tropifan le Dim 29 Juil 2018 - 15:36, édité 5 fois

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Message  tropifan Dim 13 Nov 2016 - 12:09

J'ai un peu galéré pour insérer la carte d'Amérique qui est en triple. Si Flomick veut bien éliminer les deux exemplaires superflus, merci à lui Very Happy

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Message  KTsering Dim 13 Nov 2016 - 14:15

La suite ! La suite !

Merci pour ce début prometteur.

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Message  INDO85 Dim 13 Nov 2016 - 17:07

On attends la suite bien sûr...   Smile
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Message  tropifan Lun 14 Nov 2016 - 7:46

Vendredi 27 octobre




Finalement j'ai décidé de tenter le coup. Je n'ai rien à perdre d'aller à Sayaxché, si ce n'est un jour ou deux. D'autant plus que c'est un village perdu au fin fond de la jungle du Petén, et ça peut être intéressant.

Lever aux aurores car le départ est prévu à 7 heures. Pas de chance, le bus bleu et blanc qu'on m'avait indiqué ne part pas car d'après le chauffeur « la camioneta no es buena » (le bus n'est pas bon). Et il me conseille de traverser jusqu'à San Benito où se trouve la « gare routière ».

En barque à moteur il y en a pour une minute et 10 centimes. Il s'avère que ce n'était pas la peine de traverser car ce nouveau bus fait tout le tour de Flores à la recherche de clients éventuels. Il est très rudimentaire et ça promet une bonne partie de tape-cul.
Journal de voyage au Guatemala 3_mapa12
Sayaxché se trouve au sud-ouest de Flores, sur le Rio de la Pasion. Plus bas, le petit village de Sebol est mal placé, il se trouve aussi sur le Rio de la Pasion










Nous traversons une forêt de type équatorial avec arbres gigantesques et lianes enchevêtrées où l'on ne peut se frayer un passage qu'à coups de machette. Le long du chemin, des équipes travaillent à couper la végétation pour élargir la route. Le seul village sur la route est La Libertad, et là encore nous faisons le tour pour chercher des passagers. Ce village est étonnamment propre, avec des rues larges et des maisons bien alignées.

Au bord de la route, les rares cabanes de paysans sont encore plus simples que celles de la région de Flores : les toits en feuilles de palmier sont identiques, mais les murs sont de simples branches plus ou moins régulières. Très peu de cultures, des haricots et quelques bananiers, et là où la forêt a été défrichée, de rares vaches tiennent compagnie aux poules.




Arrivée à Sayaxché vers 10 h 30. Il faut traverser le Rio de la Pasión en barque pour parvenir au village proprement dit. L'hôtel Guayacàn, cité par le South American Handbook comme excellent value, est au bord de la rivière. Très agréable et d'une propreté remarquable : la patronne et deux ou trois filles passent leur temps à astiquer. Jusqu'à la cuisine qui est nickel ! Il ne doit pas y en avoir beaucoup comme ça au Guatemala, quoique ce pays soit dans l'ensemble plus propre que le Mexique.

Les premiers renseignements que j'obtiens ne sont pas encourageants. La montée des eaux qui provoque de forts courants semble ralentir pas mal les relations fluviales. Il paraît que la meilleure saison est l'été (saison sèche) ici de mars à mai. Si la matinée a été relativement fraîche car le temps était couvert, l'après-midi est plutôt chaud. Je ne quitte pas beaucoup mon poste d'observation sur la terrasse de l'hôtel d'où l'on a une vue magnifique sur le fleuve. 
 Journal de voyage au Guatemala 4_saya10 Sayaxché




Il y a un mouvement continuel de barques qui traversent et l'embarcadère est le lieu de rencontre du village. Beaucoup d'enfants se baignent car c'est ici la période des grandes vacances (octobre à décembre), mais je n'ai pas envie de les imiter car j'ai encore vu ce matin un gamin avec une sorte de verrue sur l’œil, due à un parasite que l'on attrape dans l'eau douce et qui provoque rapidement la cécité.

Bien que Sayaxché ait presque autant d'habitants que Flores (4000 environ), ça fait plutôt village que petite ville. Beaucoup de mini restaurants et d'épiceries car les paysans des alentours viennent ici faire leurs achats. Et puis la notion de rentabilité commerciale n'est pas la même que chez nous : il m'arrive souvent de manger dans une gargote où je suis le seul client .




Je prends le repas du soir à la table du patron. Un vrai gueuleton ! D'abord une soupe de haricots, puis deux biftecks avec du riz et des choux-fleurs aux œufs, et pour finir des bananes frites en ajoutant, sur ses conseils, du « miel d'abeille ». Un délice ! Et un café là-dessus. L'hôtel Guayacàn est vraiment une adresse à retenir.

Le patron me dit qu'il y a un lanchero (batelier) de Sebol qui doit y retourner. Exactement ce que je cherche ! Ce serait un coup de pot terrible. Il va faire un tour dans le village pour essayer de le trouver.




Miel d'abeille : en espagnol d'Amérique, on distingue le miel de abeja (d'abeille) et le miel de panela (de mélasse)









Argent : la monnaie du Guatemala est le quetzal qui vaut toujours un dollar, soit à peu près un euro. Comme ça se passe il y a un peu plus de 30 ans, pour tenir compte de la dévaluation il faut multiplier les prix par 5 environ pour avoir le prix approximatif actuel en euros.


Dernière édition par tropifan le Dim 21 Juil 2019 - 7:18, édité 6 fois

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Message  KTsering Lun 14 Nov 2016 - 22:12

Merci de nous faire voyager !


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Message  tropifan Mar 15 Nov 2016 - 5:53

Puisque nos petits chanteurs favoris (dont Charles) nous y invitent, voyageons donc ! Smile

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Message  tropifan Mar 15 Nov 2016 - 7:42






Samedi 28 octobre




J'ouvre un œil vers 6 heures, il fait déjà grand jour. Dès que je sors de la chambre, le patron m'annonce qu'il y a une barque qui va à Sebol et qu'elle va partir tout de suite, ce que confirme le batelier en répétant « Ahorita ! Ahorita ! » (Tout de suite !, Tout de suite!) pour me faire presser. Je comprendrai ensuite que ces mots n'ont pas vraiment le même sens qu'en Europe.

Toilette et rangement ultra rapides, je paie le patron (5,50 quetzal pour la nuit et les deux repas, pas cher du tout), et je pars à la recherche du bateau en question. En fait cette barque ne va pas à Sebol directement, mais à El Pato qui paraît-il est à peu près à mi-chemin. Et on m'affirme que demain je trouverai facilement une occasion pour continuer jusqu'à Sebol.




Ce n'était pas la peine que je m'affole car deux des passagers sont encore au restaurant. J'en profite pour faire ma provision de pains au lait et de cigarettes pour le voyage. Les passagers en question ont dû forcer un peu sur la bière car ils arrivent très gais. Et nous larguons les amarres. Nous sommes huit dans cette grande barque : deux femmes, un bébé, un garçon de dix ans, trois adultes et moi.

En partant, je pense que je suis un peu inconscient de m'embarquer dans cette aventure sans même un hamac ni une lampe électrique. Bof, il faut toujours un peu de fatalisme si l'on veut voyager en dehors des sentiers battus, sinon on reste à la maison à regarder la télévision. Et je suis tout à ma joie d'avoir trouvé cette occasion alors que pas mal de gens avaient essayé de me décourager.
Journal de voyage au Guatemala 5_prem13
mes compagnons de voyage





C'est un voyage magnifique dans une nature quasiment vierge. Seule présence humaine, de temps à autre une ferme isolée qui paraît minuscule, perdue dans cette végétation luxuriante. Par contre beaucoup d'oiseaux aux couleurs étonnantes. Pas encore de crocodiles mais j'espère en voir quelques-uns. Mes compagnons m'expliquent qu'il y en a de trois sortes, les plus grands seuls ayant droit à l'appellation « crocodile ». Mais ils se contentent de manger un chien de temps à autre, et tout au plus on les suspecte d'être mêlés à la disparition mystérieuse de quelques ivrognes.




De 7 h à 10 h le temps était couvert, mais maintenant le soleil chauffe terriblement et j'essaie de lui montrer la plus petite surface de peau possible. On fait un stop vers 15 heures pour couper quelques régimes de bananes près d'une cabane abandonnée.
Journal de voyage au Guatemala 6_caba10
la cabane où nous avons fait un stop pour couper des régimes de bananes
 C'est un coin où abondent les iguanes bigarrés, perchés en haut des arbres, et des oiseaux magnifiques au plumage rouge nommés guacamayas, de grands perroquets puisque mes compagnons m'expliquent qu'on peut leur apprendre à parler. On cherche en vain des lagartos, sorte de crocodiles nombreux dans ce secteur, mais la crue de la rivière a inondé les plages où ils se dorent au soleil, et ils sont cachés par la végétation.


Journal de voyage au Guatemala 7_guac11
les magnifiques guacamayas




A 15h 30 nouveau stop dans un hameau d'une dizaine de cabanes nommé Tres Islas. Une passagère descend et c'est prétexte à de longs bavardages. Calme adorable de ce petit bled. Idéal pour un écologiste dégoûté de la civilisation.

A 17 heures je vois enfin mon premier crocodile, mais c'est un petit et il plonge tout de suite ; il paraît que les grands sont mansos (calmes) et n'ont pas peur. Nouvel arrêt peu après pour laisser descendre la femme avec le bébé et décharger une partie de la cargaison. On prend en remorque une pirogue et trois nouveaux passagers se joignent à nous.
Aux dernières nouvelles on ne sera à El Pato que vers 21 heures au mieux et le lanchero ne veut pas risquer son bateau en naviguant de nuit. Il me débarque dans une autre ferme nommée El Diamante en me disant que demain un certain Alfonso doit aller à Sebol et pourra me prendre.





Le jeune couple qui m'accueille n'est là que pour garder la ferme, les propriétaires vivant en ville. Les trois gars du bateau viennent demander si ils peuvent manger et la fermière leur prépare un repas, puis c'est à mon tour. Je mange de fort bon appétit car je n'ai pas fait d'excès aujourd'hui, c'est le moins qu'on puisse dire, et ce petit repas improvisé est excellent : œufs brouillés, fromage blanc, crème fraîche salée, avec ces délicieuses tortillas (petites crêpes) de maïs qui accompagnent tous les repas au Mexique et en Amérique Centrale. Et un café maison pour faire descendre le tout. Très écolo, car ces gens vivent presque en autarcie, tout est produit sur place, même le café.




Comme il n'y a pas l'électricité, on se couche comme les poules : à 19h30 tout le monde au lit. De toute façon il n'y a rien d'autre à faire car on n'a que deux faibles lampes à pétrole pour s'éclairer. Bon... au lit, je m'avance un peu : les jeunes fermiers ont un hamac familial (blague à part, j'aimerais voir comment on fait l'amour là-dedans, ça doit être une rude gymnastique!), et vu que je n'en ai pas, j'ai le choix entre dormir sur le sol de terre battue ou sur une grande table. J'opte pour la table car en allant faire mes besoins, j'ai repéré sur la planche trouée qui sert de siège une énorme araignée.

Curieux système ces toilettes, appelées inodoros au Guatemala (appellation très optimiste, soit dit en passant) : c'est une sorte de caisse dont la partie postérieure est ouverte afin de permettre aux porcs d'assurer le nettoyage. J'avais lu dans un récit de voyage à Bornéo que l'auteur était escorté et bousculé par les cochons du village quand il allait faire ses besoins. Je n'en suis pas encore là !




Ma table est évidemment un peu dure comme couchage, mais ce n'est pas grave. Ce qui est plus gênant, ce sont les moustiques, particulièrement agressifs. Je passe mon temps à me badigeonner d'une crème censée les repousser, la notice prétendant même qu'elle a une efficacité de 3 à 6 heures. Mais ces moustiques-là ne doivent pas être au courant car ils renouvellent sans cesse leurs assauts.

Avec ça les cochons qui se battent sans arrêt derrière la mince cloison, les poules qui s'énervent de temps à autre, et les chiens qui parfois aboient tous en chœur.

Rude nuit !

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Message  KTsering Mar 15 Nov 2016 - 14:00

Bonne nuit quand même et à demain pour la suite de cette aventure.

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Message  tropifan Mer 16 Nov 2016 - 5:13

Dimanche 29 octobre



J'ai tout de même dormi deux ou trois heures sur le matin. A 5 heures j'entends le moteur d'une barque. Est-ce le gars Alfonso qui s'en va sans moi ? A 6 heures je me lève avec le jour et tous les chiens me font fête. J'accompagne Hugo, le fermier, qui commence par attraper la jument au lasso, puis va traire les deux vaches qui ne sont pas tout à fait d'accord car elles ont chacune un veau. Il doit leur attacher les pattes arrières pour les immobiliser, et le veau à une patte avant pour pouvoir les traire.

Vers 8 heures petit déjeuner très consistant : café, lait, viande à la tomate, fromage blanc, et comme toujours ces tortillas faites à la main que j'adore.

Il paraît que ce n'est pas Don Alfonso qui est passé ce matin. Bonne nouvelle, mais je commence à me demander si je ne vais pas rester coincé ici six jours comme un Allemand qui avait dû payer assez cher pour fréter une embarcation afin de continuer le voyage.

Pour les moustiques, je vais commencer la cure de nivaquine contre le paludisme. Tout aussi inquiétant, nous buvons l'eau du fleuve ; j'y mets des pastilles qui en principe la rendent potable mais lui donnent un très mauvais goût .




A 11 heures miracle ! Don Alfonso est en vue sur la rivière. Je ramasse vite fait mon barda et je règle ce que je dois à la fermière qui ne me demande que 1 quetzal. Je lui en donne deux car j'ai bien mangé et ces braves gens sont pauvres.

Don Alfonso ne me garantit pas qu'on arrivera aujourd'hui à Sebol car il ne tient pas à voyager de nuit. Pas grave, du moment que le voyage continue. Et c'est reparti !

Cette barque est assez petite mais plus rapide que celle d'hier car le moteur est plus puissant et nous ne sommes que trois avec le pilote.
Journal de voyage au Guatemala 8_alde10
mini village au bord de la rivière

Don Alfonso est un homme de bonne compagnie et il parle beaucoup mieux que les paysans du coin que j'ai du mal à comprendre. Il jouit d'un grand prestige par ici, et il porte un revolver à la ceinture. Il me montre fièrement une coupure de journal où l'on voit le nouveau président du pays, mais il a du mal à déchiffrer la légende de la photo. Donc question lecture c'est limite, ce qui confirme ce qu'il vient de me dire : la plupart des enfants de la région ne vont pas à l'école, et lui-même n'a pas dû y aller beaucoup.

Je continue avec lui la leçon de zoologie et de botanique commencée hier. Je sais maintenant reconnaître la « ceiba », arbre national du Guatemala, et quelques sortes de palmiers. Pour les oiseaux, je renonce à retenir les noms des espèces que nous admirons au passage. C'est plus intéressant qu'hier car nous remontons le Rio de la Pasión qui devient plus étroit et on voit les iguanes par exemple de beaucoup plus près.




Arrêt dans un hameau, El Pato ; il y a là une mini épicerie où je peux acheter cigarettes et biscuits pour la route. Des femmes font leur lessive devant notre barque et certaines se lavent, les seins à l'air. Elles sont souriantes mais ce serait stupide de prendre une photo.

Un peu plus loin toute une famille fait du bateau stop. La barque est maintenant chargée au maximum, la vitesse et le confort s'en ressentent. Au fur et à mesure que nous avançons, les fermes deviennent plus nombreuses. Quant aux enfants, ils sont toujours aussi sales et aussi sauvages : c'est probablement le résultat de l'isolement et de ne pas aller à l'école.
Journal de voyage au Guatemala 9_don_10
Don Alfonso, de dos, avec le pistolet à la ceinture




A 18 heures arrivée à La Boca, au confluent du Rio de la Pasión et du Rio Santa Isabel. Je n'avais pas vu de militaires depuis Sayaxché, ça commençait à manquer dans le paysage. Ici il y en a un paquet. Ils contrôlent les passagers et le chargement à la recherche d'armes, et les bateliers doivent payer une taxe (est-ce légal ou bien une extorsion ? Je sens que je gênerais en posant la question).

Deux cents mètres plus loin il y a une ferme où nous allons passer la nuit. Nous débarquons donc, Don Alfonso, la famille avec ses quatre petits mômes et moi, ce qui fait tout de même pas mal de monde à nourrir et loger . Mais je ne me fais pas de souci, je ne serai pas plus mal qu'hier pour dormir.

Je bavarde avec le fermier et son fils qui sont un peu intimidés devant un étranger. Pendant ce temps toutes les femmes de la famille (trois générations) se sont mises au travail pour préparer le repas, et surtout les tortillas qui en sont l'élément de base. Il faut moudre le maïs bouilli, modeler avec dextérité les petites galettes entre les paumes, et les faire cuire sur une plaque posée au-dessus du feu de bois.

Nous mangeons, les visiteurs d'abord : haricots que l'on attrape avec un morceau de tortilla, morceaux de porc grillés au feu de bois, un délice, et une autre viande indéterminée. Chacun se sert dans le plat commun, sans fourchette ni couteau, ce qui simplifie la vaisselle. Pas de boisson pendant le repas, mais une grande tasse de café à la fin.

Puis c'est le tour des hommes de la maison, et enfin des femmes qui traînent un peu plus mais elles l'ont bien mérité. Pendant qu'elles rangent la cuisine, les hommes bavardent à la lueur d'une lampe à pétrole. Moi, je prends une excellente leçon d'espagnol en essayant de suivre la conversation. Il est question des militaires qui abusent un peu de leur pouvoir, du patron de la ferme où j'ai dormi hier qui est en prison pour avoir tué son voisin, et ensuite de problèmes d'argent : impôts et propriétaires abusifs avec leurs métayers.




Vers 20 heures on va dormir ; au Guatemala on se couche tôt, et encore plus à la campagne quand on n'a pas l'électricité. Don Alfonso, qui est un personnage important, a droit à une place dans la maison ; la famille s'installe sur le sol sous l'auvent, et moi j'ai plus de chance, je pourrai dormir dans le hamac de la cuisine, en plein air mais protégé par un toit.

Ce hamac est étroit car il est utilisé pour flemmasser plutôt que pour dormir, mais ce sera très bien. Comme il fait frais j'enfile mon pull et je me couvre du duvet, n'offrant ainsi aux moustiques que les mains et le visage que j'enduis d'une épaisse couche de crème antimoustiques. Enfin peinard ! Je plains les pauvres gens qui dorment par terre, sans presque rien pour se couvrir.

J'ai pour compagnons une génisse attachée près de moi et toute la meute de chiens qui parfois foncent sur je ne sais quoi en aboyant. Une nuit pas désagréable en somme, car tout est relatif.

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Message  KTsering Mer 16 Nov 2016 - 16:25

A force de te lire, j'ai fini par chercher une recette pour faire des tortillas de maïs. Smile

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Message  tropifan Mer 16 Nov 2016 - 18:50

KTsering a écrit:A force de te lire, j'ai fini par chercher une recette pour faire des tortillas de maïs. Smile

Bonne idée, parce que j'ai goûté une fois des tortillas "industrielles" et j'ai été déçu. Le plus important est de les cuire juste avant de les déguster, ça ne supporte pas le réchauffé. Cool

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Message  tropifan Jeu 17 Nov 2016 - 4:50

Lundi 30 octobre




A 4 h du matin les femmes de la maison se lèvent pour commencer à préparer le petit déj qui dans ce pays est un repas important. Moi, je flemmasse dans mon hamac en écoutant la radio. Je constate avec plaisir qu'en quelques jours j'ai fait de gros progrès en compréhension de l'espagnol.

Nous repartons dès que le batelier vient nous chercher, à 6 heures. Au bout d'un moment nous prenons trois passagers de plus, un homme et ses deux enfants ; la barque est pleine, plus question de faire monter d'autres personnes, d'autant plus que la rivière par endroits est assez étroite, avec de petits rapides que le batelier s'efforce d'éviter. « Llevamos mucha carga » (Nous sommes très chargés) dit Don Alfonso, un peu inquiet. Maintenant il me tarde d'en finir, je commence à penser à une chambre propre et à une bonne douche.

Nous arrivons à Sebol à 10h30, nettement plus tôt que je ne l'espérais. Je suis content de moi, j'ai réalisé la liaison Sayaxché -Sebol en un peu plus de trois jours. J'aimerais voir la tête de tous les gens qui avaient l'air de me prendre pour un farfelu quand je me renseignais à ce sujet.
Journal de voyage au Guatemala 10_seb10Sebol

Sebol n'est qu'un tout petit village qui ne doit son animation qu'au fait qu'il est le point de liaison entre le fleuve et la route. Je n'ose pas dire entre le fleuve et la civilisation parce que je ne retrouverai vraiment la civilisation qu'en arrivant dans la petite ville de Coban... et je n'y suis pas encore.

Ici les gens sont en majorité des Indiens, silencieux comme tous les Indiens d'Amérique. Ils sont seulement de passage et les quelques camions qui quittent le village sont tellement surpeuplés que je ne me sens pas le courage d'affronter au moins 7 ou 8 heures de route dans ces conditions. On verra demain.




Pour manger et dormir, il n'y a pas le choix : une seule pension (qui avec raison n'ose pas s'intituler hôtel-restaurant). Le repas n'est pas cher (0,50 quetzal) mais ce n'est pas fameux, pour le même prix c'était beaucoup mieux sur le fleuve. Et quant à la chambre minuscule, c'est la plus minable de tout ce que j'ai connu dans mes voyages. Infect ! Le garçon m'a mis un drap qui est presque aussi sale que le matelas. Bon, je dormirai sur mon duvet.

Je sors du sac mon petit miroir de poche pour voir quelle tête j'ai. Étonnant spectacle avec une barbe de plusieurs jours et la peau presque aussi tannée que les gens du coin. Je renonce à me raser et à me laver pour l'instant car le seul endroit possible c'est le fleuve, et j'en ai marre de patauger dans la boue. Je traînerai donc ma crasse jusqu'à Coban, l'avantage c'est que je ferai beaucoup plus couleur locale.




J'ai dormi presque tout l'après-midi, j'avais du sommeil en retard. Et puis il n'y a rien d'autre à faire ici. A 17h30 voilà l'électricité que l'on doit à un groupe électrogène. Je n'ai pas à me plaindre car des trois mini chambres de cette pension, la mienne est la seule éclairée par une ampoule. Par contre pas de serrure ni de cadenas pour fermer la porte. Le Guatemala est réputé plutôt honnête comme pays mais il ne faut pas tenter le diable, alors prudence !

Le repas du soir a été copieux et meilleur qu'à midi ; il y avait pas mal de monde dans la salle à manger, uniquement des hommes buvant de la bière. Ce qui m'a frappé, c'est que beaucoup d'autres étaient devant la porte, silencieux, observant le spectacle des buveurs. Probablement trop pauvres pour consommer.

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Message  tropifan Jeu 17 Nov 2016 - 18:45

Mardi 31 octobre




Vivement que je quitte cet infect taudis ! Aussi, dès les premières lueurs du jour, je boucle le sac. Les bus pour Coban sont bondés mais je réussis, non sans mal, à me glisser dans celui de 5h30 qui, d'après ce qu'on m'a dit, est le dernier de la journée. Plutôt souffrir en voyageant que passer un jour de plus ici !

Je reste debout pendant deux heures, me tenant à une barre pour ne pas tomber par la portière ouverte, tant ce chemin de terre est épouvantable. Puis une dame très aimable rapatrie son fils sur ses genoux et j'ai ainsi droit à une petite place sur une caisse auprès du chauffeur.

Nous « filons » à 5 ou 10 km/h, si bien que l'adjoint du chauffeur peut descendre en marche pour vérifier le chargement qui est sur le toit, et nous rattraper en courant. A un moment, tous les passagers doivent descendre pour que notre malheureux bus puisse grimper une côte. Et quand nous croisons un autre véhicule, le chauffeur doit faire preuve de prudence et d'adresse dans des manœuvres délicates.

Un peu plus loin, il ramasse sur la route un adorable petit chien. Je le lui garde, ça m'occupe car ce voyage n'en finit pas. En plus j'ai très faim car à 5 heures du matin il n'était pas question de petit déjeuner, et je n'ai rien à manger. Une vieille Indienne m'offre un pain au lait et l'adjoint du chauffeur des mandarines et un jus de fruit. Étant le seul étranger, je suppose que c'est une manifestation d'hospitalité... et de générosité. J'ai souvent remarqué que les plus pauvres sont les plus généreux.

Le paysage est tropical au début, puis montagneux tout le long de la route. Nous longeons parfois de jolis précipices et je n'ai qu'une confiance limitée dans la tenue de route du bus sur ce chemin caillouteux et boueux car il a commencé à pleuvoir.

Le seul arrêt du voyage a lieu vers 10 heures dans un minable petit village composé d'une suite de cabanes de bois rudimentaires où les Indiens des environs viennent faire quelques achats ou vendre des fruits. C'est le premier jour de pluie de mon voyage, et une certaine tristesse se dégage du paysage et du silence des Indiens.

Arrivée à Coban à 15 heures, soit 9h30 de route pour faire moins de 100 kilomètres, une sorte de record. Et un voyage épuisant.
Journal de voyage au Guatemala 11_cob10 Arrivée à Coban




Coban est une petite ville de 15 000 habitants relativement prospère car elle est au centre d'une région productrice de café. Le centre est coquet et on peut y acheter d'énormes et délicieuses glaces. Petits plaisirs de la civilisation !
Journal de voyage au Guatemala 12_par10
La place centrale de Coban

Je me paie un hôtel correct à 5 quetzales. Évidemment l'eau chaude annoncée n'existe que dans l'imagination du propriétaire, mais la chambre est propre, et même à l'eau froide, une bonne douche ça fait du bien après ces quelques journées hors des sentiers battus. Demain le voyage continue, avec le sac à dos bien sûr, mais de manière disons plus « classique ». Prochaine étape la capitale du pays, Ciudad de Guatemala
 Journal de voyage au Guatemala 13_seb10Indiennes du Guatemala




Puis j'ai visité le Salvador, le Honduras, le Costa Rica, et ensuite l'Amérique du Sud : Colombie, Équateur, Pérou, Chili, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie, et de nouveau Pérou et Équateur pour prendre l'avion du retour à Guayaquil.




Je considère ces 7 mois de voyage comme le moment le plus heureux de ma vie, et j'ai des souvenirs de lieux, de personnes rencontrées, d'anecdotes, pour chacune des journées de ce voyage. Essayez de vous souvenir de toutes les journées de votre vie trente ans en arrière, il ne reste pas grand-chose.

C'est ce qui m'a donné envie de revenir en Amérique Latine pour y vivre. Deux ans après, j'ai eu la chance d'être nommé au Lycée Français de Quito pour 6 ans... mais je suis resté dans ce beau pays près de 30 ans.




                                       FIN (le sujet est épuisé, l'auteur aussi)

tropifan

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Message  KTsering Jeu 17 Nov 2016 - 22:03

Merci, Tropifan. Merci pour ce récit qui m'a fait découvrir le Guatemala sous un éclairage des plus sympathiques.

En dépit du mot Fin, que j'interprète comme "fin de cet épisode", j'attends avec impatience de prochaines narrations, après une période de repos bien mérité.

A très bientôt, pour d'autres aventures !


KTsering

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Message  tropifan Ven 18 Nov 2016 - 8:42

L'aventure ! Avec des Indiens (mais sans plumes) et des hommes à chapeau de cow-boy (mais sans chevaux) Very Happy
Celle de nos petits chanteurs est l'une des chansons de leur répertoire que j'aime beaucoup, pour le rythme... et parce qu'à leur âge je rêvais moi aussi d'aventures au Far West

tropifan

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Message  KTsering Ven 18 Nov 2016 - 14:17


KTsering

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